Lectures
Nous lisons un premier passage dans l’Ancien Testament, au moment où Moïse donne au peuple hébreu sorti d’Égypte les consignes qu’il a reçues de Dieu. C’est lui qui parle :
Souvenez-vous de la longue marche que le Seigneur votre Dieu vous a imposée à travers le désert, pendant quarante ans ; il vous a ainsi fait rencontrer des difficultés pour vous mettre à l’épreuve afin de découvrir ce que vous aviez au fond de votre cœur et de savoir si, oui ou non, vous vouliez observer ses commandements.
Après ces difficultés, après vous avoir fait souffrir de la faim, il vous a donné la manne, une nourriture inconnue de vous et de vos ancêtres. De cette manière, il vous a montré que l’homme ne vivre pas de pain seulement mais de toute parole que Dieu prononce. […]
Il énumère ce que le peuple va trouver dans le pays qu’Il leur donne : eau, terres cultivables, huile d’olive, fruits, miel, mines de fer et de cuivre.
Vous aurez de quoi vous nourrir abondamment, vous vous construirez de belles maisons ou vous vous installerez, vous posséderez davantage de bœufs, de moutons et de chèvres, davantage d’argent, d’or et de biens de toute sorte. Veillez alors à ne pas devenir orgueilleux au point d’oublier que le Seigneur votre Dieu vous a fait sortir d’Égypte où vous étiez esclaves. […] Ne pensez jamais que vous avez atteint la prospérité par vous-mêmes, par vos propres forces. Souvenez-vous, c’est le Seigneur votre Dieu qui vous donne les forces nécessaires pour atteindre cette prospérité et il confirme ainsi, aujourd’hui encore, l’alliance qu’Il a conclue avec vos ancêtres.
Deutéronome 8. 2-3 et 11-18.
Lecture 2 au début de l’Evangile, avant que Jésus ne commence à prêcher :
L’Esprit de Dieu conduisit Jésus dans le désert pour qu’il y soit tenté par le diable. Après avoir passé quarante jours et quarante nuits sans manger, Jésus eut faim. Le diable, le tentateur, s’approcha et lui dit : « Si tu es le Fils de Dieu, ordonne à ces pierres de se changer en pains ». Jésus répondit : « L’écriture déclare : L’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole que Dieu prononce ». Matthieu 4 : 1-4.
Lecture 3 Paul est en fin de course, vieux et en prison quand il écrit une ultime lettre aux chrétiens de la ville de Philippes :
Je sais vivre dans la pauvreté aussi bien que dans l’abondance. J’ai appris à être satisfait partout et en toute circonstance, que j’aie de quoi me nourrir ou que j’aie faim, que je sois dans l’abondance ou dans le besoin. Je peux faire face à toutes les difficultés grâce au Christ qui m’en donne la force. […]
Soyez toujours joyeux d’appartenir au Seigneur. Je le répète : Soyez joyeux ! […] Ne vous inquiétez de rien, mais en toute circonstance, demandez à Dieu dans la prière ce dont vous avez besoin, et faites-le avec un cœur reconnaissant. Et la paix de Dieu, qui surpasse tout ce que l’on peut imaginer, gardera vos cœurs et vos pensées en communion avec Jésus-Christ. […] Mettez en pratique ce que vous avez appris et reçu de moi, ce que vous m’avez entendu dire et faire. Et le Dieu qui accorde la paix sera avec vous.
Philippiens 4 . 12-13 et 4, 6-7 et 9.
Vous avez dit « essentiel » ?
Ces derniers mois, le mot « essentiel » a pris tout son sens : quels commerces le sont, parce qu’ils répondent à quels besoins ? quelles libertés, quels espaces, quelles activités nous paraissent essentiels ? et le sont-ils par essence (pour eux-mêmes) ? par circonstances ? ou selon seulement par nos critères personnels ? C’est toute l’échelle des priorités que la Covid nous a forcés à revoir : priorités collectives, individuelles, priorités établies en fonction des objectifs, collectifs et individuels, eux aussi.
La Bible nous rapporte des histoires qui reposent ces questions et, mieux encore, qui y répondent.
Trois moments où l’essentiel réapparaît
Moïse transmet les consignes du Seigneur a un peuple hébreu qui a déjà l’expérience douloureuse de l’esclavage et celle, merveilleuse, de la sortie miraculeuse de l’« enfer égyptien » (4/ 20) puis, de nouveau, la longue traversée du désert. Un chemin comme les nôtres, en zigzag, avec des hauts et des bas, la misère et la famine puis l’abondance.
Après l’expérience, (le récit est dans les livres de l’Exode et des Nombres) vient ici donc la théorisation, avec des principes donnés pour des vérités générales à « mettre en pratique », c’est martelé : 4 / 1, 5, 6, 14, 40 puis 8.1, 11.1, 22, 12.1, 28.
Voici celui qui est central aujourd’hui : « L’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole que Dieu prononce ».
Dieu va poser par sa Loi les bases pour que ses enfants puissent désormais fonder leur vie, non au gré de circonstances variables, mais sur des bases solides et intangibles. Ces « commandements » ou « lois et règles » (4/ 1) ont un objectif clairement exprimé : « pouvoir vivre » et même plus, « trouver le bonheur » (4 / 40) au sens propre et au sens spirituel.
Jésus, dans des conditions comparables de vulnérabilité, oppose ce même principe à celui qui voudrait bien l’éloigner de Dieu en invoquant la Parole donnée 1500 ans avant lui : « L’homme ne vivra pas de pain seulement mais de toute parole que Dieu prononce ». Il témoigne déjà là de la permanence des principes de Dieu, dont le projet et les valeurs ne sont en rien soumis à un quelconque « progrès ».
Enfin, Paul, évangéliste itinérant, maintenant vieux et en prison, donc confiné avant l’usage du terme, revient à ce qui reste l’essentiel et à sa pratique : être attaché à Jésus, c’est la priorité et la source de la paix.
Nous ne commenterons pas l’ensemble de ces consignes ni toutes les étapes de la tentation de Jésus, mais resterons sur une seule : la valeur primordiale et relative du pain, autrement dit du matériel parce que cette question a été et est posée de manière aigüe à notre société matérialiste qui revient ces jours-ci à la culture et à la liberté après en avoir été brutalement privée. Coupé dans son élan, chacun, dans cet isolement que l’on peut qualifier de désert, a été obligé de revoir son mode de vie ce qui a mis en évidence les valeurs sur lesquelles elle était construite.
1 Les besoins primaires ou besoins tout court
Profiter oui…
Nous le savons tous et l’expérimentons : nous sommes incarnés, dans un corps qu’il faut entretenir : nourriture, eau, vêtements, hygiène sont vitaux. Nous sommes créés par Dieu ainsi ; il n’y a donc aucun besoin de mépriser ou de punir notre corps. Dieu l’a manifesté en donnant ce pain spécial qui est la manne aux affamés rebelles. Dans les évangiles, nous voyons Jésus avoir faim, manger, participer à un banquet de mariage, et même comparer le Royaume à un festin ! Le projet de création qui a un objectif, le bonheur de l’homme aimé par son Créateur, inclut donc la nourriture.
Seulement, la limitation de ce besoin de pain conduit à envisager l’homme uniquement sous l’angle de ses besoins matériels. C’est l’approche matérialiste, requalifiée parfois d’hédonisme avec son capital de sympathie pour les « bons vivants » dont la vie se résume à « bien manger et bien boire » ce qui signifie « profiter de la vie ». Vite, parce que cela ne va pas durer et on le sait.
Ceci aboutit à une définition du bonheur sous la forme de liste à remplir : argent, partenaire, maison, loisirs… et l’on se retrouve, comme le remarquait un journaliste récemment « à vivre pour rembourser les prêts ».
Cette hiérarchie des besoins justifie l’adage répété de « ventre affamé n’a pas d’oreilles ».
Oui, mais voilà, si cette anthropologie était vraie, alors l’Occident serait une zone de bonheur : c’est ce que croient tous ceux qui tentent de nous y rejoindre même au péril de leur vie. Les statistiques de la consommation d’anxiolytiques, le taux de remplissage des hôpitaux psychiatrique et de suicide viennent hélas démontrer le contraire.
…mais que se passe-t-il ?
Le Deutéronome avait prévenu : perdre Dieu au profit du matériel, c’est perdre le sens, et perdre le sens c’est perdre l’orientation et la valeur de la vie.
Dieu le sait comment nous fonctionnons et il anticipe en avertissant : des belles maisons, de l’huile d’olive, du cuivre et du fer, de l’internet à haut débit, une voiture neuve, rien n’est mauvais en soi mais attention : cette prospérité contient des risques : « ventre plein n’a plus d’oreilles », ce que Jésus traduit par « ne laissez pas votre esprit s’alourdir dans les fêtes et l’ivrognerie ainsi que les soucis de cette vie » (Luc 21/34). Moïse emploie les termes d’« orgueil » en évoquant ceux qui pensent que tout ce qu’ils ont n’est que le fruit de leurs efforts et que, prospères, Dieu est devenu inutile.
Voyez comme c’est glissant : les besoins, réels, apportent un certain bonheur mais quand ils envahissent tout l’horizon, qu’ils deviennent l’horizon, ils font croire à l’autosuffisance. Et pourtant…le confinement a apporté la preuve que cela ne suffit pas.
Le besoin d’autre chose
Toutes les civilisations ont développé des rites, des fêtes, de l’art…autant d’éléments « superflus » selon cette vision matérialiste. Il nous faut le reconnaître : l’homme n’est pas que chair, son esprit, sa vie intérieure, son âme cherche autre chose que d’aller du berceau à la tombe. Ce « sens de l’éternité » est ancré dans le tréfonds de tout homme mais le reconnaître oblige à le chercher.
Le plus facile (et le moins courageux) consiste à éviter la question et à se « distraire » selon le mot du chrétien Blaise Pascal. Un acteur de théâtre, privé de son jeu et de la vie culturelle qui fonde sa vie, disait au cours de la crise, que cet étourdissement, cette griserie de culture, n’était, en fait, qu’une vaste entreprise de « trompe la mort ».
La culture (n’importe laquelle), comme les sorties au restaurant, les soirées entre amis, les voyages, les matchs au stade, les soirées dansantes (quelle expression désuète, mais je n’en trouve pas d’autre), l’art, tout ce dont la Covid nous a privés, ne sont pas mauvais en soi (ils sont même magnifiques) mais nous comprenons à travers leur interdiction combien ils sont des soutiens devenus abusivement indispensables. Ils nous ont manqués, certes, mais si notre vie s’écroule sans eux, c’est qu’ils étaient son unique sens. Ces fondements, pourtant prestigieux, ont montré leurs limites. S’ils distraient, ils ne sauvent pas et ne durent pas.
Et c’est triste parce que le Dieu de la Bible vient proposer plus et mieux.
La proposition biblique
Jésus, affamé, refuse le pain qui l’aurait écarté de Dieu, mettant la mise en garde au-dessus de l’inconfort passager : Pas le pain seulement mais la Parole de Dieu.
Ah ? ça nourrit la Parole ?
Déjà, le prophète Ezéchiel avait reçu la vision d’un rouleau à manger au goût de miel (3 / 1-3) qui représentait la parole qu’il aurait à annoncer. La Bible, n’est pas une potion amère qu’il faudrait avaler par force comme elle l’est hélas devenue parfois (pour faire fuir les malheureuses victimes) mais, pour nous aussi, une nourriture douce, délicieuse et nourrissante.
Jésus va plus loin quand il affirme dans le symbole en affirmant : « je suis le pain de vie » , pain qui succède à la manne car, comme elle, il « descend du ciel » mais, mieux qu’elle, elle n’a pas une efficacité d’un jour (la manne pourrissait après 24h et devait être renouvelée) mais de toujours : « Si quelqu’un mange de ce pain, il vivra pour toujours » (Jean 6 / 51).
Comment « manger » Jésus ? Il le précise : « le pain que je donnerai c’est ma chair, je la donne afin que le monde vive » (Jean 7 / 51) et il le démontre à la fois par le symbole et par sa vie.
D’abord avant son arrestation, il « rompt le pain » en le présentant comme son corps (Luc 22 / 19) et, le lendemain, son corps est brisé sur la croix. Enfin, ce corps est mystérieusement rendu à la vie puissante de la résurrection si bien qu’aujourd’hui, Jésus est partout.
« Manger Jésus » n’est donc pas pratiquer l’anthropophagie, comme le pensaient les Romains qui pourchassaient les chrétiens au 1er siècle, mais l’accueillir en nous, spirituellement. Nous l’ « incorporons » dans notre vie.
La conséquence : Jésus, qui est « chemin vers le Père » (Jean 14 / 4) nous met, avec lui, sur ce chemin qui, dès maintenant et sans jamais aucune césure, nous mène au Royaume : une autoroute lumineuse faite de sa Présence, de son Pardon et de sa Paix !
C’est l’expérience de Paul : privé de quasi tout, en fin de vie, il ose affirmer qu’il reste en paix avec la joie car il garde l’essentiel, son lien avec Jésus-Christ. Il admet que c’est contraire au système « normal », cette hiérarchie commune, en soulignant que la Paix de Dieu « surpasse tout ce que l’on peut imaginer ». Il accepte aussi qu’on l’aide car il ne recherche pas l’ascèse. Le renversement des hiérarchies aboutit, il en est le vivant exemple, à la Paix et joie en toutes circonstances.
Chers amis, cette Parole de Dieu est là, à notre portée, dans la Bible. Il ne s’agit pas de disserter sur des idées, d’évaluer des concepts, de contester des commandements, mais d’entendre quelqu’un qui a tout prévu au mieux nous appeler pour conduire notre vie selon ses critères. Ce qu’Il offre est à l’abri de toute nouvelle vague, de tout confinement, à l’abri même de notre mort (Romains 8 / 38).
L’Amour de Dieu, manifesté en son fils Jésus-Christ, est une nourriture gratuite, destinée à chacun. Libéré des peurs et des faux besoins, venez vous en rassasier et marcher jusque dans l’éternité avec Lui !