Genèse 1, 26 à 2, 3 et Matthieu 5. Le temps de l’accomplissement. Pascal Geoffroy Dim 13 juin Reims

Frères et sœurs,

L’actualité nous laisse souvent désemparée. Nous sommes confrontés à tant d’incompréhensibles événements qui nous bouleversent que parfois on se demande où va le monde et ce que l’on peut y faire.

La crise des institutions est déjà ancienne depuis les années 60, mais on franchit sans cesse de nouvelles étapes qui nous sidèrent, des communications biaisées et intéressées, une violence verbale et physique qui augmente chez les adolescents comme chez les seniors. Cette violence nous choque, mais nous y avons aussi notre part. La société semble se déconstruire inéluctablement.

Je ne sais pas si tout cela est réel ou s’il s’agit d’un effet d’amplifications et de déformations médiatiques mais ces analyses quelles soient réelles ou imaginaires entraînent comme rarement dans le passé une sorte de démotivation générale. 

On est plus très motivé pour aller voter, pour aller travailler, pour militer, pour s’impliquer dans des associations, pour intervenir dans l’espace public quand quelque chose de choquant se passe, pour réparer les dégâts des pollutions, pour aller défendre notre pays et des valeurs qui ne font plus l’unanimité. Tous les liens semblent se défaire, les liens familiaux, les liens sociaux, intergénérationnels, de classes, entre hommes et femmes les relations de l’humain avec la nature.

Tout cela nous interroge.

Ces questions, les anciens se les posaient déjà en même termes. Le monde était jadis aussi violent que celui d’aujourd’hui. À une échelle plus petite, les problèmes étaient exactement les mêmes. 

Je ne vous propose pas ce matin une prédication pour vous dire qu’il faut être des citoyens exemplaires. Dans une paroisse protestante, le niveau de participation dans la vie sociale est plutôt supérieur à la moyenne, on vote d’avantage, on se sent très concerné par les difficultés du monde. Je ne vais pas vous faire la morale. Je ne suis pas habilité pour cela, mais je voudrais tenter d’éclairer bibliquement, spirituellement le sens de nos engagements politiques et syndicaux, nos implications sociales et sociétales, nos choix militants.

Je vous propose de relire au début de la Genèse, au chapitre 1, les versets 26 à 31 et au chapitre 2, les trois premiers versets. Ces versets constitue la conclusion d’un récit fait d’émerveillements continue.

« Puis Dieu dit: «Faisons l’homme à notre image, à notre ressemblance! Qu’il domine sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel, sur le bétail, sur toute la terre et sur tous les reptiles qui rampent sur la terre. Dieu créa l’homme à son image, il le créa à l’image de Dieu. Il créa l’homme et la femme. Dieu les bénit et leur dit: «Reproduisez-vous, devenez nombreux, remplissez la terre et soumettez-la! Dominez sur les poissons de la mer, sur les oiseaux du ciel et sur tout animal qui se déplace sur la terre!» Dieu dit aussi: «Je vous donne toute herbe à graine sur toute la surface de la terre, ainsi que tout arbre portant des fruits avec pépins ou noyau: ce sera votre nourriture. À tout animal de la terre, à tout oiseau du ciel et à tout ce qui se déplace sur la terre, à ce qui est animé de vie, je donne toute herbe verte pour nourriture.» Et cela se passa ainsi. Dieu regarda tout ce qu’il avait fait, et il constata que c’était très bon. Il y eut un soir et il y eut un matin. Ce fut le sixième jour. C’est ainsi que furent terminés le ciel et la terre et toute leur armée. Le septième jour, Dieu mit un terme à son travail de création. Il se reposa de toute son activité le septième jour. Dieu bénit le septième jour et en fit un jour saint qui lui soit réservé, parce que ce jour-là il se reposa de toute son activité, de tout ce qu’il avait créé. À la fin du sixième jour, furent achevés les cieux et la terre avec la création et la bénédiction de l’humanité. Puis vient le septième jour où l’on voit Dieu se reposer. »

Sept jours, c’est le chiffre de la perfection. Et pourtant quand on y regarde de près, le septième jour est le seul ne comporte pas la mention du soir suivi du matin. Contrairement à tous les autres jours qui sont délimités avec un début et une fin, ce septième jour est un jour inachevé.

Ce septième jour où Dieu se repose n’est en fait pas terminé. Il se prolonge encore aujourd’hui. C’est un jour qui inclut l’ouvrage de l’humanité crée le jour précédent.

Au septième jour, Dieu laisse la place à l’être humain.

Le repos de Dieu n’est pas sommeil de fatigue après six jours de création. Le repos de Dieu c’est la plénitude de l’amour. Dieu a cré un monde beau et bon et il se repose, c’est à dire qu’il la contemple avec ravissement. Le sommet de sa création : l’humanité est son vis à vis, créée libre de l’aimer ou pas en retour, libre d’agir selon les consignes qu’il lui a données.

Le repos de Dieu n’est pas un départ en congés. Il est un face à face émerveillé entre Dieu et sa Création. Dieu a terminé son ouvrage et il contemple sa Création qu’il trouve belle. Et cette Création par l’intermédiaire de l’humanité est appelée à contempler en retour Dieu dans le même émerveillement. C’est la place de la louange dans le culte.

Ce texte nous apprend que l’humanité créée et bénie à la fin du sixième jour vit maintenant pour être active dans ce septième jour de la Création, un jour inachevé qui se prolongera jusqu’à la fin des temps. 

Le repos de Dieu laisse vivre en dehors de Lui librement sa Création. Je parlais tout à l’heure de l’émerveillement de Dieu devant Sa Création mais la Création  n’est pas restée belle et bonne. En mésusant de sa liberté, le monde s’est abîmé et dégradé.

Dieu voit le monde qu’il a créé, être abîmé et la Bible nous raconte  qu’il y a aussi la tristesse et la colère de Dieu devant les ravages du Mal et devant nos aveuglements. Devant le Mal qui abîme sa Création, la loi et les prophètes nous rappellent justement cette tristesse et cette colère parce que Dieu continue d’aimer sa Création.

Cette colère de Dieu devant le Mal, n’empêche pas Son amour et Son émerveillement pour le monde qui demeurent intacts, ils en sont même la cause. Dieu ne voit pas seulement le monde abîmé. Il voit le monde qui retrouvera sa beauté lorsque tout sera restauré, accompli, parachevé dans la liberté et dans l’amour. Dieu a un plan pour restaurer Sa Création, pour la réhabiliter, pour la sauver. La Bible a été écrite pour révéler cette intention, ce plan de Dieu. 

Jésus dit un jour aux foules : dans l’Évangile de Matthieu, au chapitre 5, les versets 17 à 20. 

« Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. Car, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre ne passeront point, il ne disparaîtra pas de la loi un seul iota ou un seul trait de lettre, jusqu’à ce que tout soit arrivé. Celui donc qui supprimera l’un de ces plus petits commandements, et qui enseignera aux hommes à faire de même, sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; mais celui qui les observera, et qui enseignera à les observer, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. Car, je vous le dis, si votre justice ne surpasse celle des scribes et des pharisiens, vous n’entrerez point dans le royaume des cieux. »

Jésus est venu accomplir la Loi et les Prophètes. Il est venu accomplir la loi c’est à dire en particulier le récit de la Genèse qui en est le premier livre dans tous les sens du terme, premier en importance et premier de la série des cinq livres. Jésus est venu accomplir, mener à l’achèvement ce septième jour,  pour restaurer ce dialogue émerveillé dans la liberté et l’amour, de Dieu et de sa Création. 

Jésus rappelle sa mission qui est d’accomplir la loi et les prophètes, c’est à dire le monde et son organisation et aussitôt après il enchaîne sur l’importance de la loi. Cette loi dont il explique, depuis le début du Sermon sur le Montagne, qu’elle n’est pas comme un traité de morale légaliste et tatillonne, mais qu’il interprète comme la loi de l’amour et de la vie.

À la suite du Christ, et depuis la première Pentecôte Chrétienne, l’Esprit d’amour, l’Esprit Créateur, nous redonne la vision et le sens de nos actions, de nos paroles, de nos choix, de nos vies ! 

Il s’agit de mener le monde vers son accomplissement. Nos travaux, nos engagements dans tel ou tel mouvement, nos relations les uns avec les autres, tout cela à la suite du Christ dans ce septième jour sous le regard émerveillé de Dieu et cette mission humaine de cultiver et garder le monde.

Christ est venu accomplir cela : les paroles de pardon qu’il donne, son enseignement, ses miracles annoncent et montrent les nouveaux cieux et la nouvelle terre, appelé dans le Nouveau Testament, le Royaume de Dieu en train d’advenir. 

Jésus est venu nous donner la possibilité d’accomplir après lui notre vocation humaine, en exerçant le pardon, en enseignant, en posant des signes du Royaume. En étant nous-mêmes des signes de ce Royaume ! Des petits singes peut-être mais des signes avant tout. Dans le Royaume rien n’est petit qui ne soit important.

Dans tout ce que nous faisons ou pouvons faire, ou pourrions faire dans nos journées et dans notre vie, nous pouvons grâce à l’Esprit de Dieu être un éclat, un facette de l’accomplissement de toute chose.

Le sens de notre vie est que le temps de notre passage sur cette terre, nous fassions se rapprocher un peu plus une parcelle de ce monde de son accomplissement. Chacun avec la force qu’il a, chacun avec la sensibilité et les talents qu’il a reçu.

Respecter nos institutions, les faire évoluer au lieu de les mépriser et les abolir, prendre soin des soignants si on est malade soi-même, respecter les enseignants si on est parent d’élève, se mettre au service des élèves si on est enseignant, perfectionner nos entreprises, soutenir le artistes ou devenir artiste soi-même, apprendre joyeusement à obéir si on est un enfant, développer nos relations fraternelles sous l’influence de l’Esprit. Voilà quelques exemples de ce que Jésus est venu accomplir et non abolir et que nous pouvons accomplir à sa suite.

Et dans tout cela surtout : Apprendre apprendre. C’est à dire apprendre à recommencer sans cesse après chaque échec. C’est ce que l’on fait à travers la demande de pardon lors de chaque culte ou messe. Reconnaître ses erreurs, c’est déjà entrer dans la réparation du monde et de soi-même.

Recommencer sans cesse et réparer ce qui a été abîmé. C’est là notre vie dans la suite du Christ, tout au long de ce septième jour.

J’ai plusieurs fois fait des allusions au culte et à la liturgie. C’est parce que chaque dimanche dont le nom vient du latin Dies Domini, veut dire le Jour du Seigneur, nous rappelle que notre vie se déroule dans ce septième jour, le jour du Seigneur. Chaque petit jour du Seigneur nous rappelle que notre vie tout entière se passe pendant ce grand jour du Seigneur qui est le septième jour, celui que Dieu s’est réservé.

À notre dernière heure, nous entrerons à notre tour dans le repos éternel, aimant et émerveillé. A la fin des temps, la Création entière renouvelée entrera dans le repos de Dieu, dans l’amour et l’émerveillement.

Dans l’infinie diversité de nos vies présentes et de nos moments les plus humbles comme les plus grandioses, à la suite du Christ et avec son Esprit, nous conduisons une parcelle du monde, là où nous sommes, dans une petite étape supplémentaire, vers son accomplissement.

Amen !

Reconnaissance à Jacques Ellul qui a inspiré ce message.

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