Prédication
L’évangile de Jean est souvent considéré comme l’évangile spirituel par excellence. La perspective théologique de Jean est précisée dans le prologue : (Jn1.14) « Et le Verbe fut chair et il a habité parmi nous. ». Par ces mots, l’évangile de Jean affirme avec force ce qui constitue l’essentiel de la foi johannique : à savoir : que Jésus, le Fils de Dieu, est celui qui, en venant dans le monde, révèle le Père de l’humanité…
Jésus est l’envoyé du Père, il accomplit son œuvre et retourne vers le Père… Ce programme de l’envoyé donne la structure générale de l’évangile. Jésus n’enseigne pas la Loi, n’annonce pas le royaume de Dieu, mais se prêche lui-même.
En tant qu’envoyé par le Père, il est le lieu où Dieu se révèle pour le monde. C’est ce que signifie l’expression : « Je suis », il s’agit d’une expression reprise du livre de l’Exode 3.14,… si fréquemment utilisée par Jésus dans l’évangile de Jean : « Je suis le pain de vie, Je suis la lumière du monde, Je suis la porte des brebis, Je suis le bon berger… ».
Jésus nous dit qu’il est venu accomplir. Jésus accomplit parce qu’il révèle authentiquement Dieu. Il est venu nous dire que Dieu, qui se manifeste en Jésus, est le Dieu de toujours. Jésus accomplira toutes les promesses en retournant précisément toutes les perspectives…, en révélant Dieu sous son vrai visage qui est le visage de la liberté, de la grandeur et de l’amour. Car Dieu a été gravement et inévitablement contrefait par tous ceux qui ont parlé de lui sans être radicalement transformés par lui…
Parfait enseignant, Jésus utilise des images de la vie courante pour illustrer des vérités spirituelles. Ici, dans notre récit, il donne l’image d’un berger pour décrire le salut. Le Psaume 23…décrit l’Eternel comme le berger par excellence, à savoir : le berger s’assure que ses brebis ne manquent ni d’eau, ni de nourriture. Il les protège contre les prédateurs…ils les soignent quand ils sont malades. Il les conduit là où ils trouveront calmes et repos. Jésus se compare à ce berger qui aime ses brebis, les connait, les conduit et leur donne la vie en abondance. Le berger appelle chaque brebis par son nom ; la brebis quant à elle reconnaît la voix du bon berger parmi les autres voix et répond avec joie. Ceux qui écoutent la voix du bon berger et le suivent sont ses brebis à qui il accorde de tendres soins. Et c’est ainsi que le croyant doit suivre Jésus-Christ, c’est-à-dire se placer entièrement sous son autorité et ce faisant accéder au salut. En cela, le Psaume 23 nous décrit parfaitement l’image d’un guide sûr !
La vie humaine se présente comme un parcours difficile, mais qui connaît des temps de repos. En effet,… « calamité ou bénédiction, qui peut savoir ? Les changements n’ont pas de fin en ce monde impermanent… ». Certes, notre vie comporte des épreuves inévitables : vallée obscure, coup bas de ceux qui nous veulent du mal. Mais le voyage ne se fait pas en solitaire nous le montre le psaume. De même que le Seigneur avait guidé son peuple au travers de nombreuses embûches au désert, il accompagne le croyant qui lui fait confiance. Avec lui, tout est prévu pour assurer le nécessaire : l’herbe du repos, l’eau qui redonne les forces, une protection contre les dangers et même un repas copieux à l’arrivée… (la maison de Dieu).
Le mercenaire… travaille pour son profit, il ne connaît pas les brebis, c’est-à-dire qu’il ne les aime pas. Jésus souligne que le berger, le bon, lui-même donc, aime chacune de ses brebis et veille sur le troupeau. Il en a une parfaite connaissance. Il agit non par devoir ou pour le profit, mais par amour, au point de donner sa vie librement pour ses brebis, de se sacrifier pour leur salut. Il y a son troupeau, son peuple, et aussi d’autres, c’est-à-dire les nations, nous-mêmes…
Deux raisons majeures font de Jésus un berger à nul autre pareil : il donne sa vie pour ses brebis et il connaît chacune d’entre elles parfaitement.
Des gourous ou autres charlatans… qui sont des voleurs de spiritualité en enfermant des humains dans des prescriptions au lieu de les conduire sur des chemins de liberté. Ces gens-là ont un tout autre fonctionnement : ils réclament de leurs adeptes un sacrifice total mais ces derniers n’ont de valeur à leurs yeux que parce qu’ils augmentent leur clientèle…et donc leur pouvoir, et donc leur revenus…
« Je suis le bon berger… » L’image biblique est ancienne, propre à évoquer l’attachement de Dieu à son peuple et, par voie de conséquence, celui qu’il attend de ses dirigeants…
On peut dire que la métaphore est plus polémique que ne l’a donné à penser une pieuse imagerie. Jésus, en filant très largement la métaphore du bon berger, se sait compris de ses adversaires qui entendent le message entre les lignes. En effet, c’est une attaque en règle contre ceux qui exercent le pouvoir…contre leur peuple. Et l’exemple prend au sérieux ce que veut dire donner sa vie pour ceux qu’on aime. Et il s’agit de la donner vraiment, ce qu’il en coûte, mais aussi ce qu’elle apporte à celui qui la reçoit : lui faire découvrir que sa propre existence importe à Dieu, absolument, et que cela vaut pour tous.
Les grands hommes de Dieu ont souvent été des bergers. Abel, le premier d’entre eux…en passant par Abraham, Isaac et Jacob qui étaient aussi des bergers. C’est lorsque Moïse et David étaient bergers qu’ils ont reçu leur vocation. Je voudrais distinguer particulièrement,…, ce matin le prophète Amos… qui était berger et avait vécu sa mission à Samarie. Amos parle, critique, dénonce. Il prononce des oracles, paroles souvent très dures contre la classe dirigeante. Le message d’Amos est radical et très explicite, à savoir : l’élite exploite et fait preuve de perversion. Ces gens prétendent défendre le pauvre et l’indigent alors qu’ils abusent d’eux… (Madoff, subprime…). A tant d’avidité et de corruption, à tant d’orgueil et d’injustice, les conséquences sont prévisibles…Le livre du prophète Amos nous fait réfléchir à la dimension sociale du projet du Seigneur dans le monde. Son message, hier comme aujourd’hui, étonne ceux pour qui les rapports à Dieu se limitent au culte. A quoi rime donc la pratique religieuse si justice n’est pas rendue et si troubles et misères foisonnent dans le monde…mais arrêtons-nous là, pour ce matin, dans la dénonciation de la prédation dans ce monde…
Dans le dernier discours de l’évangile de Jean, Jésus appellera ses disciples à s’aimer les uns les autres. Il poursuivra en déclarant : « Personne n’a de plus grand amour que celui qui se défait de sa vie pour ses amis. » (Jean 15.13)En se défaisant de sa vie pour ses moutons, le bon berger révèle son amour.
Jésus connaît ses moutons et ils le connaissent. Cette connaissance résulte d’une marche commune, d’une histoire partagée. La vraie connaissance du Christ n’est pas livresque ni intellectuelle, elle est le fruit d’un compagnonnage. Le Christ est celui qui porte un regard bienveillant sur mon histoire, il connaît ma blessure et mon souci. Il m’accueille tel que je suis…
Aux Rameaux, le Jésus qui vient à Jérusalem, c’est Jésus qui demande à entrer au cœur de nous-mêmes, et attend d’y être accueilli. Il n’entre pas par effraction, dans la violence. Il entre par la porte que nous lui ouvrons, comme le berger des brebis.
L’évangile de Jean est la lecture insurpassable de l’évènement du salut que constitue la venue du Christ dans le monde. Le connaître, entrer en communion avec lui, permet au croyant de découvrir le Père et d’accéder ainsi à la vie éternelle. Dans cet évangile, les discours donnent lieu à d’impressionnants développements théologiques. Jésus s’y présente comme le pain qui permet de vivre, le berger qui conduit les êtres humains vers Dieu le Père, et la lumière qui éclaire le monde.
C’est l’amour partagé qui authentifie la foi en « celui qui se dessaisit de sa vie pour ceux qu’il aime ». (Jean 15.13) Ce principe est d’ailleurs développé en Jean 13.34-35, qui dit : « Je vous donne un commandement nouveau : aimez-vous les uns les autres. Si vous avez de l’amour les uns pour les autres, tous reconnaîtront que vous êtes mes disciples. » .
Chacun a sa vie spirituelle en main. Alors, prenons nos responsabilités. Mais, c’est encore mieux de se liguer avec le Divin.
Aimer a coûté…mais pour Dieu, j’en vaux la peine.
Amen.