Matthieu 25,1-13 « La fin et les moyens » Pascal Geoffroy dim. 18 avril 2021

Lecture biblique 

Matthieu 25, 1 à 13

«  Alors le royaume des cieux sera semblable à dix jeunes filles qui, ayant pris leurs lampes, allèrent à la rencontre de l’époux. Cinq d’entre elles étaient insensées, et cinq sages. Les insensées, en prenant leurs lampes, ne prirent point d’huile avec elles ; mais les sages prirent, avec leurs lampes, de l’huile dans des vases. Comme l’époux tardait, toutes s’assoupirent et s’endormirent. Au milieu de la nuit, on cria: Voici l’époux, allez à sa rencontre! Alors toutes ces jeunes filles se réveillèrent, et préparèrent leurs lampes. Les insensées dirent aux sages : Donnez-nous de votre huile, car nos lampes s’éteignent. Les sages répondirent : Non, il n’y en aurait pas assez pour nous et pour vous ; allez plutôt chez ceux qui en vendent, et achetez-en pour vous. Pendant qu’elles allaient en acheter, l’époux arriva ; celles qui étaient prêtes entrèrent avec lui dans la salle des noces, et la porte fut fermée.  Plus tard, les autres jeunes filles vinrent, et dirent : Seigneur, Seigneur, ouvre-nous. Mais il répondit: Je vous le dis en vérité, je ne vous connais pas. Veillez donc, puisque vous ne savez ni le jour, ni l’heure. »

Prédication 

Frères et sœurs, 

Que faire du temps qui nous est imparti. Qu’est-ce qui rend le temps qui est le nôtre utile et bien rempli.

Je suis comme vous habité par ces questions au moment où la pandémie de covid se révèle plus dangereuse aujourd’hui qu’on le pensait il y a quelques mois, plus contagieuse et plus mortelle. 

Nous sommes entrés depuis un an dans un temps où les projets sont difficiles à mettre en place et ceci durablement. La vaccination portera-t-elle tous les fruits que l’on espère ? 

Nous réalisons que nous ne maîtrisons pas le temps que nous vivons ni les échéances à venir. Nous ne contrôlons pas  le monde dans le quel nous vivons. Les choses ne se passent pas comme elles devaient se passer. Comme dans la parabole où les choses ne se passent pas comme elles devraient se passer :  le marié a du retard. 

Et quand les choses vont de travers, nous nous sentons démunis, comme les cinq jeunes filles qui manquent d’huile. Cette l’huile manquante nous rappelle tout ce qui nous manque parfois en terme d’énergie et de clarté, toutes choses que la pandémie actuelle nous a enlevées.

J’ai choisi de vous lire cette histoire de Matthieu 25 qui est une parabole de jugement. 

Ce récit présente plusieurs étrangetés qui concernent toutes notre rapport au temps 

  • on conçoit assez mal qu’un époux puisse avoir tant de retard le jour de ses noces !
  • plus étonnant encore est le fait qu’une partie des demoiselles d’honneur se soient attendues à ce retard !
  • on ne comprend pas bien pourquoi ce sont les jeunes filles qui sont punies à cause du retard de l’époux. C’est lui le responsable !
  • La conclusion de la parabole semble tomber complètement à côté de la parabole : « veillez donc, puisque vous ne connaissez ni le jour, ni l’heure », en effet, toutes les jeunes filles se sont endormies ensemble. Aucune n’a veillé plus qu’une autre !

Je vous propose de regarder de plus près ce qui se passe au milieu de la nuit : « au milieu de la nuit, il y eut un cri : voici l’époux, sortez à sa rencontre ».

À ce moment là, une partie des jeunes filles se lève : leur but est atteint. La seule chose pour laquelle elles étaient là se réalise : l’époux est annoncé. La fête va reprendre. Elles s’apprêtent à recevoir celui qu’elles n’ont pas cessé d’attendre : l’époux de la noce.

Mais une partie des jeunes filles se lève et au lieu d’accueillir l’époux à son arrivée, leurs pensées, leur force, leur énergie, ne sont plus tendues vers l’unique raison de leur attente. Alors que l’époux arrive, il leur manque encore autre chose : il leur manque de l’huile pour alimenter leur lampe.

Leur folie, leur tragique folie, n’est pas d’avoir emporté une quantité insuffisante d’huile au début de leur nuit pour alimenter leur lampe. Leur folie est de partir acheter de l’huile au moment où l’huile devient inutile !

Le drame des cinq jeunes filles insensées est d’avoir confondu le but et les moyens d’atteindre le but. Elles étaient là  pour attendre l’époux avec ou sans lampe mais lorsque l’époux arrive enfin et que l’huile devient inutile ou en tout cas secondaire, cela devient pour elle une priorité.  

Elles n’hésitent pas à quitter l’époux au moment où il arrive pour aller chercher de l’huile !

À la fin de l’histoire, chaque jeune fille reçoit ce qu’elle a désiré le plus et ce qui a été sa priorité : les cinq jeunes filles pour lesquelles il ne manquait que l’époux l’ont reçu et se sont réjouies avec la noce. Celles pour lesquelles il ne manquait que de l’huile ont trouvé de l’huile, même si elles ont payé le prix fort et raté la fête.

Je voudrais vous proposer de lire dans cette parabole une invitation à ne pas confondre le but de notre vie et les moyens dont nous disposons. Nous pouvons atteindre le but de notre vie avec beaucoup de moyens ou avec peu de moyens. Le plus important est de se rappeler pourquoi nous sommes là.

Au cœur de la nuit, les cinq jeunes filles insensées ont oublié qu’elles étaient là pour l’époux. Avoir de l’huile aurait sans doute été mieux mais si elles n’en ont plus, tant pis. Elles nous montrent aussi quelque chose d’important. En quittant la noce au  jeunes filles insensées nous montrent qu’on peut fuir sa raison d’être, sa vocation, en faisant semblant de mieux l’accomplir.

En voulant rattraper une erreur, elles ont fait une autre irrémédiable celle-ci.

Parfois le souci que nous nous faisons pour des choses accessoires nous détournent de l’objectif véritable de notre vie. Aujourd’hui, bien des choses nous manquent et nous vivons cela cruellement. Nous connaissons nos pénuries d’huile : au niveau personnel comme au niveau collectif. Ne nous concentrons pas trop sur ce qui nous manque. Nous avons assez de ce qui est nécessaire si nous sommes là où il faut au moment où il le faut. 

Et dans l’église cela veut dire se placer en toute circonstance dans cette attente du Christ.

Je crois que ces dix jeunes filles habitent en nous. Nos vies ne sont pas tout d’un bloc. Il y a en nous  à la fois cet élan d’accomplissement parfait et il y a aussi ces diversions par rapport l’axe de notre vie, ces mauvais choix où l’on confond les moyens et les buts.

En méditant ce texte, dans le semaines passées, j’ai imaginé les monologues suivants :

1er monologue : « Il exagère ! On s’était préparé, on a attendu une grande partie de la nuit pour rien. On était fatigué. Jusqu’au bout, on a tout fait pour que ce soit une belle fête et quand on est revenu après les dernières courses, on est resté dehors. On a été humiliées par ce gougea ! »

Ce monologue imaginé nous rappelle la conclusion de nombreuses paraboles où personnes se retrouvent rejetées avec des pleurs et des grincements de dents. Les pleurs et les grincements de dents sont des expressions caractéristiques des conséquences du jugement dernier.

Le 2ème discours que j’ai imaginé est le suivant : « quand je suis arrivé, il y avait 5 jeunes filles qui m’attendaient. Elles sont entrées. Je les connais bien et elles aussi me connaissent bien. Je sais qu’elles n’ont pas toujours été bienveillantes les unes avec les autres. Elles n’étaient pas très partageuses. Ni très bonnes conseillères. Mais mes noces célèbrent un amour tellement grand et tellement pur, qu’après avoir attendu longtemps ce moment, leur cœur en sera désormais complètement purifié et débordant d’amour. »

Et en ce moment difficile de pandémie mortelle, en ce moment où les journées sont remplies de tout ce qui manque, cette parabole nous invite à ne pas confondre l’objectif et les moyens. Le but de notre vie qui est d’être centré sur le Christ. Les moyens peuvent fluctuer selon les circonstances. Concentrons toute notre attention sur le Seigneur de l’Église, en lui est la joie parce qu’en lui est l’accomplissement parfait de notre vie. 

Il nous a été donné à Noël. À Pâques il nous est redonné vivant ! Et nous attendons son retour.

Amen !

Matthieu 25,1-13 « La fin et les moyens » Pascal Geoffroy dim. 18 avril 2021
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