Marc 6, 30 à 44. Être enseigné : un besoin fondamental de l’être humain ! Pascal Geoffroy 28 fév. 2021

Texte biblique

Marc 6, 30 à 44 (et Ézéchiel 34, 11 à 22)

« Les apôtres, s’étant rassemblés auprès de Jésus, lui racontèrent tout ce qu’ils avaient fait et tout ce qu’ils avaient enseigné. Jésus leur dit: Venez à l’écart dans un lieu désert, et reposez-vous un peu. Car il y avait beaucoup d’allants et de venants, et ils n’avaient même pas le temps de manger. Ils partirent donc dans une barque, pour aller à l’écart dans un lieu désert. Beaucoup de gens les virent s’en aller et les reconnurent, et de toutes les villes on accourut à pied et on les devança au lieu où ils se rendaient. Quand il sortit de la barque, Jésus vit une grande foule, et fut ému de compassion pour eux, parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont point de berger; et il se mit à leur enseigner beaucoup de choses. Comme l’heure était déjà avancée, ses disciples s’approchèrent de lui, et dirent: Ce lieu est désert, et l’heure est déjà avancée ; renvoie-les, afin qu’ils aillent dans les campagnes et dans les villages des environs, pour s’acheter de quoi manger. Jésus leur répondit: Donnez-leur vous-mêmes à manger. Mais ils lui dirent: Irions-nous acheter des pains pour deux cents deniers, et leur donnerions-nous à manger ? Et il leur dit: Combien avez-vous de pains? Allez voir. Ils s’en assurèrent, et répondirent : Cinq, et deux poissons. Alors il leur commanda de les faire tous asseoir par groupes sur l’herbe verte, et ils s’assirent par rangées de cent et de cinquante. Il prit les cinq pains et les deux poissons et, levant les yeux vers le ciel, il rendit grâces. Puis, il rompit les pains, et les donna aux disciples, afin qu’ils les distribuassent à la foule. Il partagea aussi les deux poissons entre tous. Tous mangèrent et furent rassasiés, et l’on emporta douze paniers pleins de morceaux de pain et de ce qui restait des poissons. Ceux qui avaient mangé les pains étaient cinq mille hommes. »

Prédication

Frères et sœurs, la pitié de Jésus, c’est quelque chose ! Dans les Évangiles, on voit Jésus avoir de la pitié pour des personnes malades, des proches de personnes défuntes, le jeune homme riche. On voit aussi comme dans ce texte, Jésus éprouver de la pitié pour les foules. Il y a dans cette foule cinq mille personnes qui ont fait le tour du lac en courant pour arriver avant lui qui traversait le lac dans la barque avec ses disciples. 

Jésus éprouve de la pitié pour cette foule, pour une raison tout à fait importante à relever et méditer  : « Jésus fut pris de pitié pour eux parce qu’ils étaient comme des brebis qui n’ont pas de berger … ».

Ne pas avoir de berger, voilà ce qui est pitoyable ! Cette foule a pourtant des chefs. Cette foule a un souverain pour la conduire. Elle a des responsables administratifs. Il y a des gens qui rendent la justice. Elle a des responsables religieux, militaires et politiques. Il se peut même que parmi la foule, il y en ait un certain nombre … mais constate Jésus, cette foule n’a pas de berger. De quel berger parle-t-il ? 

On passe souvent un peu vite sur le fait que le berger d’un troupeau n’est pas une brebis méritante. Le berger n’est pas non plus un bélier expérimenté qui aurait accumulé de la sagesse et qui serait placé à la tête du troupeau pour le conduire. 

Le berger est d’une autre nature que le troupeau qu’il conduit. C’est un être humain qui conduit les troupeaux de bovins ou d’ovins. Vous comprenez alors que lorsque Jésus compare les foules à un troupeau qui n’a pas de berger, il ne parle pas d’un chef sorti du lot pour conduire ses semblables. Jésus parle d’un berger d’une autre nature. Jésus parle de Dieu.

D’ailleurs le mot « pasteur » en français n’est peut-être pas le plus heureux pour désigner les ministres ordonnés car il n’y a qu’un seul véritable berger ou pasteur et c’est Dieu. En anglais et en allemand, ce n’est pas ce mot qui a été choisi.

Dans la droite ligne des prophètes de l’Ancien Testament, Dieu est le berger d’Israël. Le Seigneur est mon berger chante le Psaume 23. Quand Jésus constate que les foules sont sans berger, il dit que ces foules sont sans Dieu. Ce constat déchire le cœur de Jésus. 

Il y avait probablement beaucoup de gens religieux dans cette foule. Mais avoir de la religion ne signifie pas forcément qu’on a un berger. Dans le passage d’Ézéchiel 34 lu tout à l’heure, déjà l’émotion de Dieu pour le peuple était immense. Dieu annonçait qu’il viendrait lui-même être le berger de son peuple. Le Nouveau Testament et l’église enseigne qu’en Jésus, c’est Dieu lui-même qui vient comme le berger annoncé. 

Il y a entre le berger et son troupeau une véritable relation d’amour, d’attention mutuelle, de confiance. Les brebis écoutent et reconnaissent la voix de leur berger et n’en suivent aucune autre. Le berger prend soin de ses brebis dont il connaît chaque tête, chaque caractère, chaque histoire. Le berger ne laisse jamais tomber une seule de ses brebis. Les différents registres annoncés par Ézéchiel seront tous actualisés dans la pratique et les paraboles de Jésus. Le Fils de Dieu est le vrai berger, le bon berger, celui qui donne sa vie pour ses brebis.

Et c’est tout cela que les gens ignorent. Je parle bien sûr de cette foule de 5000 hommes qui fait le tour du lac en courant pour rejoindre Jésus, mais on pourrait aussi parler de la foule de nos contemporains qui coure dans tous les sens et discoure d’une manière insensée. 

Devant les foules sans Dieu, Jésus éprouve de la compassion. Il souffre. Souffrons-nous de la même manière devant les foules sans Dieu ? Peut-être nous manque-t-il aujourd’hui dans l’église d’être habités par cette compassion du Christ ! Réalisons-nous que ne pas avoir de berger est un véritable malheur dans la vie ? Réalisons-nous que ne pas avoir Dieu comme berger est une misère pour l’humanité ? 

La chose la plus importante dans la vie, la grande affaire de notre vie est en effet de vivre le premier commandement cité par Jésus à partir du livre du Deutéronome : « tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force ». Ce commandement n’est pas réservé à une poignée de gens. Il a été donné à un petit peuple pour l’ensemble du genre humain. C’est le premier et le grand commandement pour le genre humain. Ce commandement donne le contenu de ce que c’est que d’avoir Dieu comme berger. C’est avoir toute sa vie remplie par l’amour de Dieu ! C’est aimer notre berger de tout notre cœur, de toute notre âme et de toute notre force.

Ne pas avoir de berger, c’est être seul pour mener son existence, pour comprendre le monde et sa propre vie. C’est être exposé à la dispersion de son être, de son cœur, de son âme, de sa force, c’est être exposé au découragement, au désespoir, au non-sens. Voilà ce qui inspire à Jésus la plus profonde pitié. C’est ce désespoir des gens qui ne savent pas où donner de la tête.

Pris de pitié pour les foules sans Dieu, Jésus enseigne.  On a l’habitude de voir le berger nourrir, protéger et soigner les brebis, mais ici, Jésus enseigne et il enseigne longtemps. Il enseigne beaucoup de choses, précise Marc au verset 34. Marc comme à son habitude ne nous donne pas le contenu de l’enseignement de Jésus ce jour-là. Car ce qui est important, c’est le fait qu’une grande partie de l’activité de Jésus consiste à enseigner, c’est à dire à annoncer l’Évangile ! C’est le premier, le grand besoin de l’être humain, avant même de manger : c’est être instruit, enseigné, évangélisé ! Donner du sens à sa vie, au monde en référence à Dieu.

Jésus enseigne une foule de plus de 5000 personnes et à la fin de la journée il partagera cinq pains et deux poissons pour les nourrir tous. Enseigner et nourrir, enseigner et prendre soin des êtres humains, voilà le berger au cœur de sa mission. On est souvent frappé par le côté spectaculaire de la multiplication des pains et des poissons, en passant trop vite sur l’enseignement important de Jésus qui précède.

Que dit Jésus à cette foule ? Quel est le contenu de son enseignement ? Nous avons déjà dit que Marc ne le dit pas. Il ne le dit pas parce qu’il a donné dès le début de l’Évangile le résumé de tout l’enseignement de Jésus : « Jésus proclamait l’Évangile de Dieu. Il disait : le temps est accompli et le règne de Dieu s’est approché ; changez de vie et croyez à l’Évangile » (1,14-15).

L’enseignement de Jésus consiste à mettre en relation notre temps et le temps de Dieu, notre existence et la vie de Dieu, notre intelligence et la compréhension de Dieu, nos projets de vie et le projet de Dieu, nos mauvaises nouvelles et la Bonne Nouvelle de Dieu.

[la partie suivante a été utilisée simplifiée pour le message aux enfants. L’image du livre coupé en deux m’a été donnée par Françis Schaeffer]

Imaginez par exemple que nous ayons trouvé un livre déchiré de telle sorte qu’on ne disposerait que la partie inférieure du livre, on pourrait tourner les pages mutilées et lire quelques centimètres de chaque page. On verrait que ce livre parle de sciences, de culture, de psychologie, d’art, bref, de tas de sujets passionnants et importants. Les êtres humains s’attachent à l’aide de la raison de comprendre ce qui est écrit comme le font les historiens qui, devant leurs trouvailles, font des hypothèses, les vérifient, en changent parfois. 

Mais ce livre amputée resterait pour nous un mystère, le texte serait incomplet et nous resterait largement mystérieux, même si chaque fragment est prodigieusement intéressant et admirable.

Cette image illustre notre vie dans le monde. Le livre mutilé correspond à l’univers dans son aspect normal Nous avons des fragments de connaissances sur des tas de sujets scientifiques, culturels, humains, historiques. Nous avons nos expériences et nos convictions, mais il nous manque une vision d’ensemble. Imaginez maintenant que l’on retrouve dans le grenier l’autre partie du livre, la partie supérieure. Le lecteur peut se plonger dans la lecture complète de l’ouvrage. Le fragment découvert correspond au contenu des Écritures dans lesquelles Dieu nous enseigne en s’adressant à l’humanité de façon intelligible. 

La foi ne concerne pas seulement la connaissance de Dieu, la partie supérieure du livre, mais aussi le monde entier et l’humanité entière, la partie inférieure de l’ouvrage. Le sens de l’histoire du monde et de nos vies, la réalité du cosmos et de nos mentalités se révèle en rapprochant les deux parties. 

Le deuxième morceau trouvé dans le grenier explique le premier fragment amputé et donne de l’ordre à ce qui nous apparaît parfois chaotique. La foi donne une cohérence à l’ensemble du monde tel que nous en faisons l’expérience, tel que nous le pensons et tel qu’il est présenté dans les Écritures.

Il n’y a aucune contradiction entre la raison humaine qui s’emploie à comprendre le monde par le raisonnement et la révélation biblique. Au contraire, l’enseignement du Christ sollicite notre raison et notre intelligence pour l’appliquer à la totalité de la vie et de la foi.

Le monde dans sa totalité est la Création de Dieu et le monde est aimé par Dieu. Et dans ce monde, chacun d’entre nous est aimé par Dieu et chaque peut aimer Dieu de tout son cœur, de toute sa force et de toute son intelligence. Dieu ne laisse tomber aucune parcelle de ce monde. Dieu n’abandonne aucune partie de notre vie.

Jésus enseigne. Il explique des vérités objectives : le fait que Dieu est vivant, qu’il règne, que ce règne s’approche de nous. Nous existons pour lui. Nous avons été créé capables d’être libres, le péché est venu brouiller notre compréhension du monde, de Dieu et de nous-mêmes. Jésus est venu nous rejoindre pour ôter le péché du monde et nous donner accès à la vérité qu’il enseigne.

Son enseignement n’est pas un appel à se contenter de suivre et de croire ceux qui savent. La Réforme protestante est justement née à une époque où l’Église d’Occident disait aux gens ce qu’il devait faire et ce qu’il devait croire sans enseigner le peuple. Les Réformateurs ont justement vu la place de l’enseignement dans le ministère de Jésus. Croire, c’est aussi croire que chacun peut comprendre et vérifier les vérités spirituelles. Même les gens les plus simples. Il n’y avait sans doute pas beaucoup d’intellectuels parmi les 5000 personnes mais Jésus a estimé primordial de les enseigner longuement. La spiritualité biblique, c’est aussi réfléchir et comprendre ce que l’on croit et c’est croire ce que l’on a compris. La spiritualité biblique a un contenu précis. Elle n’est pas d’abord une émotion religieuse. On ne peut pas aimer Dieu sans connaître ces contenus qui seuls nous permettent de connaître Dieu et sa nature. Voilà pourquoi Jésus enseigne les foules inlassablement. Il enseigne les foules comme d’autres fois il enseigne de tout petits groupes. Parce qu’il est important d’enseigner collectivement et personnellement. Jésus envoie ses disciples pour enseigner à leur tour. Et vous êtes, chers frères et sœurs, vous aussi appelés à enseigner… 

L’enseignement de Jésus et des Écritures se résume en ceci : connaître qui est Dieu en vérité, apprendre quelque chose de fondamental et de merveilleux sur nous-mêmes et sur le monde. Il n’y a rien d’absurde dans le monde. Il n’y a rien d’absurde et d’inutile dans la spiritualité biblique.

La réalité de Dieu est telle que je peux aimer Celui qui m’aime et le but de la vie, de ma vie, de ta vie, est de l’aimer en retour.

Amen !

Marc 6, 30 à 44. Être enseigné : un besoin fondamental de l’être humain ! Pascal Geoffroy 28 fév. 2021
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