Marc 13/33-37 : Veillez ! Xavier Langlois

Culte sur RCF le 29 novembre 2020 : « Prenez garde, restez éveillés, car vous ne savez pas quand ce sera le moment. C’est comme un homme qui part en voyage : il a laissé sa maison, confié à ses serviteurs l’autorité, à chacun sa tâche, et il a donné au portier l’ordre de veiller. Veillez donc, car vous ne savez pas quand le maître de la maison va venir, le soir ou au milieu de la nuit, au chant du coq ou le matin, de peur qu’il n’arrive à l’improviste et ne vous trouve en train de dormir. Ce que je vous dis, je le dis à tous : veillez. »

Prédication

En ce dimanche matin, j’espère que nous sommes tous dans l’état auquel nous convie le Christ, à savoir être éveillé, bien éveillé, tout à fait réveillé. Oui, restez éveillés, nous dit Jésus, encore faut-il bien comprendre à quelle veille nous sommes appelés.

Et pour bien comprendre cette veille spirituelle, commençons par nous demander ce que cela peut vouloir dire pour nous, le plus simplement du monde. Être éveillé, c’est fondamentalement être dans un état de conscience. Un état qui s’oppose à celui du sommeil, le monde du rêve, de l’irréel et, nous le rappelle Freud, le monde de tous les fantasmes. L’état de veille, c’est en tout cas comme cela que je l’entends, est un état de lucidité sur soi et sur ce qui m’entoure. Et pour ceux qui comme moi, doutent que l’on soit complètement lucide sur soi, c’est en tout cas d’être en prise avec le réel, avoir conscience de la réalité et aussi être en quête de vérité, de sens. Nous connaissons tous l’expression populaire « on veut nous endormir ». Un pouvoir endort son peuple, lorsqu’il veut par des techniques manipulatrices le priver de sa liberté et le conduire dans des décisions imposées. Ils nous endorment, ils nous enfument, autant d’expressions pour dénoncer le fait d’être privé de sa liberté, liberté d’être, de choisir son destin, de faire par soi-même quelque chose de sa vie. Être éveillé, c’est être en pleine conscience de soi en tant que sujet et acteur de sa vie.

Sans renoncer à cette conclusion, j’entends dans le texte biblique quelque chose différent, ou un quelque chose en plus. Car il s’agit d’être vivant dans la prise de conscience d’un autre que soi-même. Nous avons écouté cette petite parabole qui nous parle, comme il y a 15 jours, d’absence. L’histoire de cet homme qui part en voyage et laisse sa maison, fait référence en le poursuivant, au long discours que Jésus vient de délivrer sur son retour en gloire.

La question spirituelle qui est posée au chapitre 13 de l’évangile de Marc est celle de la Parousie, la venue finale du Christ établissant définitivement le Royaume de son Père. Un long discours qui a de quoi faire peur tant il décrit des événements aussi bien douloureux qu’inéluctables. Mais un discours qui invite aussi à la prudence car, si fin il y a, à aucun moment, rien de ce qui est annoncé ne dit véritablement la fin. La fin n’est pas dans la catastrophe, mais dans la guérison finale. Et en attendant cette guérison finale, l’abrogation de tout mal, le croyant ne peut anticiper cette fin, ni la prévoir et encore moins la décréter. Bref, quand la bible parle de la Parousie, le retour en gloire du Seigneur, elle nous parle d’un événement impensable et imprévisible pour tous les croyants. Et dans notre parabole le non savoir est encore accentué : vous ne savez pas quand le maître reviendra.

Du coup nous aurons le sentiment d’être comme dans une impasse. L’évangile nous demande d’être éveillés, en pleine conscience de cet autre, ou plus exactement de cet événement mais en nous rappelant qu’il nous échappe radicalement. Comment être en pleine conscience de ce qui nous échappe et nous dépasse ?

Comment dépasser cette impasse ? En nous interrogeant sur ce que cet état de veille exige de nous indépendamment ce qu’il espère. S’interroger sur ce que l’état de veille met en mouvement en nous. Or, notre texte n’est pas le seul endroit où il en parle. A l’heure de la passion il exhorte ses disciples par ce fameux « veillez et priez, si l’esprit est bien disposé la chair est faible ». Ici, la veille est la recherche de la sanctification, discerner et mettre à distance ce qui en nous est force d’éloignement d’avec le Seigneur. Dans la parabole des talents que nous avons lue il y a 15 jours, l’absence renvoyait aussi à une veille comme découverte de soi, en son absence je découvre les talents qui sont les miens que je peux, et dois mettre en pratique. Ici, la parole du Christ n’est pas énigmatique, elle donne du sens à cette veille. En effet, l’absence ou plutôt l’attente du maître, invite à une découverte : le maître qui est parti, a donné autorité à ses serviteurs pour s’occuper de sa maison.

Les mots sont d’importance tout de même. Veiller, rester éveillé, n’est pas spéculer sur le quand et le comment le maître reviendra, mais relève d’une véritable prise de conscience de soi. Veiller, c’est avoir conscience qu’il nous a été donné autorité pour nous occuper de sa maison. L’espérance, ou l’attente de la fin est dépassée dans un soin pour le temps présent. Cette fin n’est pas oubliée, elle n’est pas niée, mais elle se traduit dans un engagement. Cette fin nous rappelle aussi que cette maison n’est pas un lieu abandonné, mais le lieu de l’attente, le lieu de l’espérance, et en tant que tel le lieu du témoignage. Oui dans l’attente du maître, cette maison doit être tenue, habitée, car elle est le lieu où l’on espère.

Veiller pour le chrétien, veut donc dire aussi, parmi d’autres sens dans les écritures, prendre ses responsabilités en prenant soin de la maison du Seigneur, à savoir son église. Je veux recevoir cette exhortation avec gravité. D’abord, parce qu’en tant que protestants, sous prétexte d’avoir distingué, à la suite des Luther et Calvin, l’église invisible, celle des rachetés que Dieu seul connaît de l’église visible, l’église dans sa forme concrète institutionnelle, contrastée et faillible, nous avons par trop désacralisé la notion d’église, peut-être pas excès d’humilité mais en oubliant qu’elle est la maison du Seigneur. Prendre soin de cette maison, c’est peut-être la réhabiliter dans nos théologies en lui reconnaissant, non pas un caractère sacré, mais une forme de sainteté. La sainteté au sens biblique du terme, c’est à dire comme ce qui définit ce qui appartient au Seigneur.

Et puis s’attacher à la sainteté de sa maison c’est reconnaître son rôle dans ce monde de plus en plus violent. Lieu d’espérance, cette maison est aussi un témoignage qui tient depuis des siècles contre vents et marrées, témoignage de sa grâce dans des vies transformées. Dans l’attente de ce règne qui vient, les chrétiens, je crois, n’ont pas vocation à transformer le monde mais à tenir ferme dans la foi et, contre toutes les logiques délétères qui nous entourent, être témoins d’une autre logique : celle de l’évangile. Dans ce monde une autre parole est possible et c’est dans cette maison qu’elle se fait entendre.

Veiller c’est être vivant dans notre vocation, celle de prendre soin d’une église de témoins dans un monde appelé à la conversion. Amen.

Intercession et notre Père

Nous nous rassemblons dans une prière d’intercession

Seigneur Dieu, Père tout-puissant,
Nous te bénissons d’avoir envoyé dans le monde ton Fils Jésus-Christ
Nous célébrons ta miséricorde qui lui a fait prendre
la forme d’un serviteur pour être notre Sauveur.
Nous adorons aussi le mystère de sa venue dans sa Parole et dans les sacrements

Béni sois-tu, Seigneur Dieu, de ce que ton amour ne s’est pas laissé arrêter par la dureté de nos cœurs ou par notre infidélité.
Ne nous retire pas ta grâce, mais renouvelle-la sur toute ton Église, afin que ton règne avance parmi nous.

Remplis les serveurs de ton Évangile de l’Esprit de vérité, d’amour et de puissance pour qu’ils annoncent ton salut avec joie et en témoignent par la droiture de leur vie.

Par ta Parole, enracine la foi dans nos cœurs afin que nous marchions nous aussi devant toi dans la crainte de ton nom.

Réveille ceux qui sont assoupis dans une sécurité trompeuse. Fais revivre ceux qui sont morts spirituellement.
Révèle leur pauvreté à ceux qui se satisfont de leurs richesses. Ramène à toi ceux qui se sont rendus infidèles.

Fortifie les faibles.
Console ceux qui sont dans la tristesse.
Donne la victoire à ceux qui militent pour ton nom et la justice de ton règne. Achève enfin en nous tous, l’œuvre que tu as commencée.

Et lorsque ton Fils reviendra avec puissance et grande gloire,
lorsque toutes les nations seront rassemblées devant son trône,
qu’en ce jour-là, Seigneur Dieu, il nous reconnaisse pour siens et nous accueille dans son Royaume éternel ou tu seras tout en tous

Et dans l’attente de ce jour, ô notre Dieu, nous te prions comme Jésus nous l’as enseigné

Notre Père qui es aux cieux que ton nom soit sanctifié que ton règne vienne
que ta volonté soit faite

sur la terre comme au ciel. Donne-nous aujourd’hui
notre pain de ce jour ; pardonne-nous nos offenses
comme nous pardonnons aussi
à ceux qui nous ont offensés,
ne nous laisse pas entrer en tentation mais délivre-nous du mal,

car c’est à toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles des siècles. Amen

Marc 13/33-37 : Veillez ! Xavier Langlois
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