Galates 4/3-7 « Naître à la liberté ». Xavier Langlois, le 25 déc 2020.

Culte de Noël 2020. Temple de Reims 

Galates Chapitre 4/3-7 Nous aussi, lorsque nous étions des tout-petits, nous étions les esclaves des éléments du monde ; mais lorsque les temps furent accomplis, Dieu a envoyé Son Fils, né d’une femme et sous la loi, afin de racheter ceux qui étaient sous la loi, pour que nous recevions l’adoption filiale. Et parce que vous êtes des fils, Dieu a envoyé dans notre cœur l’Esprit de son Fils, qui crie : « Abba ! Père  ! »  Ainsi tu n’es plus esclave, mais fils ; et si tu es fils, tu es aussi héritier, du fait de Dieu. 

Prédication 

Pour nourrir ma méditation de Noël, je ne me suis pas tourné vers un de ces si merveilleux récits de l’enfance, que l’on trouve chez Matthieu ou Luc, mais j’ai choisi un texte bref de l’apôtre Paul dans sa lettre aux Galates. C’est un récit qui ne s’embarrasse pas de superflu, de paraphrase, de circonvolution. Le propos est ramassé, synthétique, parfois incisif. En lisant ce passage, je me disais qu’il ressemblait même à une confession de foi, tant, chaque affirmation pourrait prétendre à une valeur doctrinale. Il faut dire que la lettre que Paul écrit aux Galates est tout entière traversée par une urgence, celle de ramener à la vérité évangélique, les chrétiens de Galatie qui s’en sont si rapidement détournés, comme l’apôtre l’affirme au début de sa lettre. De ce point de vue, le récit est passionnant pour nous en ce temps de Noël, car Paul proclame le sens théologique, dogmatique de la venue du Christ, le sens fondamental dont il ne faut pas s’écarter, ou auquel il faut revenir. Nous ne sommes pas dans la narration féérique mais dans la proclamation du kérygme, du message central de l’évangile qui se dit à Noël. 

Je disais que les mots de Paul, sont parfois incisifs, j’ajouterais même plus, ils peuvent paraître durs. Quand un enfant vient au monde, la première chose que l’on se plaît à reconnaître c’est le jeu des ressemblances … tiens, il ressemble à son père ou à sa mère. La naissance nous parle de continuité, de transmission, de filiation. Il en est question dans notre texte, mais après avoir posé une redoutable rupture. 

L’enfant qui est né d’une femme, est né sous la loi, et à travers lui, Dieu vient nous libérer de la Loi. Noël, c’est Dieu qui libère l’homme de la Loi et même de la malédiction de la Loi (Gal 3/10). Plus que durs, les mots sont violents. Quand Paul parle de la Loi, il ne parle pas du couvre-feu mais de la loi de Moïse, ces paroles, qui, dans le livre de l’Exode sont révélées par Dieu à Moïse et aux israélites sur le mont du Sinaï. La rupture avec l’héritage spirituel est posée de façon si violente, qu’elle semble au final discréditer cet héritage. Alors, peut-on parler ainsi des prescriptions et des commandements alors que le Seigneur recommandait aux hébreux de les inscrire sur les frontons de leurs portes et même sur leur front, devant leurs yeux, ces commandements qui devaient être chéris, enseignés et transmis (Dt 6) ? 

Peut-on même articuler cette rupture, sans se risquer à une forme d’incohérence, avec la notion d’accomplissement dont il est question dans le même texte. Quand les temps furent accomplis … écrit Paul et qui n’est pas sans me rappeler les mots du Christ expliquant son ministère dans le Sermon sur la Montagne par ces mots : je ne suis pas venu pour abolir mais pour accomplir la Loi. Si dans la notion d’accomplissement il y a l’idée de dépassement, ce dernier s’inscrit dans une continuité avec ce qui a été. L’accomplissement dans l’évangile, c’est l’aboutissement de ce qui a été promis.

Enfin, Paul lui-même, lorsqu’il parle de la Loi, ne la réduit pas à une malédiction et à mon sens, ce serait même trahir sa pensée que d’en rester à cette phrase malheureuse. En Romains 7/12 il écrit que la loi est sainte et le commandement saint juste et bon. Et même dans la lettre aux Galates (3/23-25) il parle de la loi comme d’un pédagogue, un éducateur qui garde Israël dans l’attente du Christ. Autant de versets qui nous rappellent que pour Paul, et pour nous je l’espère, la Loi est positivement investie par la Parole éternelle de Dieu. 

Du coup, on se demande où est-ce que le bât blesse ? Pourquoi fallait-il que par cette naissance, nous soyons libérés de cette Loi qui ne semble pourtant pas étrangère à la volonté de Dieu ? la réponse est peut-être à lire dans un mot qui est dit sur ce qui change avec la naissance du Christ, ce mot est celui de Fils. Dieu a envoyé son fils dans le monde, pour que vous puissiez devenir vous-mêmes fils et filles pour Dieu. Le basculement pourrait être interprété de cette manière : d’observateurs d’une loi, en Jésus Dieu fait de nous ses fils et ses filles. 

Observateurs d’une loi ou fils ? Quelle différence ? Pour l’identifier basculons un instant dans le monde laïc. Si j’ai du respect pour l’un et l’autre je n’ai pas la même relation avec la loi de la république et mon père. Loi et paternité sont bien différentes même si elles se ressemblent aussi très fortement. La loi s’impose à moi comme la paternité. Loi et paternité m’imposent toutes des devoirs. Toutes deux exercent sur moi une autorité. Toutes deux peuvent aussi me réprimander. Toutes se veulent justes. Toutes deux me forment, me constituent. Toutes deux requièrent mon adhésion. 

Pourtant, malgré leur ressemblance, notre relation avec la Loi ou la Paternité est bien différente. D’abord, parce que la paternité implique un lien biologique d’hérédité. La paternité est ce avec quoi je devrai faire, que cela me plaise ou non. Une loi, une constitution on peut les changer, elles n’ont de valeur que par l’assentiment qu’on leur accorde. Mais surtout, la paternité évoque la notion d’amour. Je peux respecter la loi sans forcément l’aimer, tandis que devant Dieu ou le père, respect et amour se superposent au point d’être difficilement différenciant. Cette relation paternelle avec Dieu est clairement posée dans l’Ancien Testament, lorsque Dieu dit à David au sujet de son fils à venir, Salomon, en 2 S 7/14 « Je serai un père pour lui et il sera un fils pour moi. S’il agit mal, je le punirai comme un père punit son fils. Cependant je ne lui retirerai pas mon appui, comme je l’ai fait pour Saül lorsque je l’ai rejeté, et que je l’ai remplacé par toi. Un de tes descendants régnera toujours après toi, car le pouvoir royal de ta famille sera inébranlable. » Le Dieu Père est celui qui éduque et pour cela, qui reprend, mais surtout qui aime et qui fait grâce. 

Loi et Paternité sont, dans la Bible les modes décrivant notre rapport à la volonté de Dieu. Mais dans la Paternité, l’amour entre en scène et bouleverse la relation de l’homme à Dieu. La loi, même sainte juste et bonne, restera toujours une contrainte extérieure à l’homme, extérieure à son cœur et étrangère à sa nature profonde. L’amour lui, est une dynamique qui transforme de l’intérieur. Nous n’avons pas reçu une loi, mais un esprit par lequel nous appelons Dieu, notre Père. Un esprit par lequel nous reconnaissons Dieu, comme l’hérédité véritable dont nous ne pourrons jamais nous défaire et qui nous construit dans son amour. L’Esprit qui nous est donné n’est pas un corset, qui, même légitime, nous empêche et nous bride, mais une nature nouvelle qui nous fait chercher Dieu par amour. 

La loi nous contraint sans nous changer. L’Esprit du Fils lui nous transforme pour faire de nous des enfants de Dieu. En effet, les 10 commandements, révèlent la volonté de Dieu pour l’homme en vue de le délivrer de ce qui le lie, le ronge, le coupe des autres et de Dieu. A Noël, cette visée ne s’exprime plus comme une Loi, mais comme une promesse réalisée en Christ. A Noël apparaît une vie nouvelle qui vit par amour ce que la Loi demande. 

A Noël apparaît le Fils véritable, c’est-à-dire l’homme pour qui la volonté de Dieu n’est plus une contrainte, mais nourriture qui lui vient du Père. Jésus est né, le chemin est ouvert : aimons Dieu de tout notre cœur, et, tels des fils et de filles pour Dieu, nous reconnaîtrons sa volonté comme la nourriture qui nous est vitale. Amen

Galates 4/3-7 « Naître à la liberté ». Xavier Langlois, le 25 déc 2020.
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