Culte des Rameaux. Colette Dantu, le 28 mars 2021

Prédication

Jésus arrive au terme de son voyage si, selon Marc l’évangéliste, c’est la première fois qu’il se rend à Jérusalem ; il s’est arrêté en un lieu indéterminé, entre les villages de Béthanie et de Bethphagé, près du Mont des Oliviers. 

Il a annoncé à ses disciples, à trois reprises, qu’ici, à Jérusalem, il sera crucifié (Marc 8/31 ; 9/31 ; 10/33) : Pierre l’a rabroué, les autres disciples n’ont pas compris…

Alors, Jésus veut-il entrer dans la ville 

en posant un signe prophétique qui manifeste son Évangile ?

Il monte sur un ânon qu’il a réquisitionné – non sans autorité – un peu plus tôt, si bien que ses disciples, et des Juifs pieux, pèlerins venus en foule à Jérusalem pour fêter la Pâque, évoquent aussitôt les versets du prophète Zacharie (9/9) : 

« Sois transportée d’allégresse, fille de Sion,

lance des acclamations, fille de Jérusalem !

Il est là, ton roi, il vient à toi ; 

il est pauvre et monté sur un ânon… »

Peut-être leur vient-il à l’esprit l’image du roi Salomon, fils de David, monté sur une mule pour aller recevoir l’onction royale sur l’ordre de David lui-même, et acclamé par la foule ? (1 Rois 1/32-40)

En guise de selle, sur sa monture, les disciples ont disposé des vêtements ; de même la foule étend des manteaux sous les pas de l’ânon : se souviennent-ils d’un texte de l’Ancien Testament 2 Rois 9/13, dans lequel le prophète Elisée confère l’onction royale à Jéhu, dans une période troublée, violente qui voit se succéder les rois en Israël (en particulier Achab), et des reines sanguinaires comme Jézabel et Athalie ? La foule place des vêtements sous les pas du nouveau roi et s’écrie : « Jéhu est roi ! ». Mais Jéhu a une mission : massacrer la famille royale de l’ancien roi Achab, devenue ennemie de Dieu…

Rien à voir, donc, avec Jésus le Messie !

Face à l’image d’un roi justicier et violent s’élève 

celle d’un messie humble et pacifique.

Nous sommes en plein malentendu, en ce jour de fête où les gens coupent des branches et les agitent en signe d’allégresse, faisant écho au Psaume 118, ces branchages qui ont donné son nom à la fête des RAMEAUX que nous célébrons aujourd’hui.

Et, tout au long de la semaine que l’on appelle SAINTE, nous allons :

  • d’abord rejouer, aujourd’hui, la fête du cortège, célébrée dans l’enthousiasme,
  • puis jeudi, partager le pain et le vin du dernier repas de Jésus,
  • pleurer le vendredi au pied de la croix,
  • nous taire le samedi,
  • avant de chanter dimanche : « Alléluia ! Christ est ressuscité ! »

Pour nous préparer à cette semaine, je vous propose une démarche un peu insolite, qui m’a été inspirée par une prédication du pasteur Jean-Pierre STERNBERGER, animateur biblique en région parisienne.

Comme lui, je me suis munie d’un banal jeu de cartes, qui sera aujourd’hui, 

« le jeu de la semaine sainte ».

Imaginons…et étalons le jeu…pas de dés, 

c’est « le jeu de l’âne », pas celui des petits chevaux, 

nous avançons tous au même pas…

Qui va gagner ? Et qu’est-ce qu’on gagne ?

Jésus entre dans le jeu, voici Jérusalem, rien ne va plus !

LES JEUX SONT PRÊTS !

Mais, exceptionnellement aujourd’hui, c’est moi qui retourne les cartes.

(Le prédicateur tient un paquet de 13 cartes en main, rangées dans l’ordre suivant : des « trèfles », puis des « carreaux » – sauf le roi – puis le valet de coeur, le roi de coeur, le roi de pique, la dame de coeur, le joker, enfin le roi de carreau. On peut projeter l’image des cartes au fur et à mesure sur un écran.)

[Le prédicateur commence par retourner tous les « trèfles » et les « carreaux » (sauf le roi) et dit :]

– Voici des TRÈFLES et des CARREAUX :

TRÈFLES : feuillages agités par les disciples et la foule…

CARREAUX : carrés colorés des tissus, 

vêtements disposés sous les pas de l’ânon…

Couleurs et formes qui encadrent le cortège en liesse !

[Le prédicateur retourne la carte suivante : le valet de cœur et dit :]

Voici le VALET DE CŒUR

un serviteur précède le roi qui vient,

les disciples qui ont posé leurs vêtements sur l’âne,

et la foule, sur le chemin : ils crient tous leur joie avec le psaume 118 (v.26) :

« HOSANNA ! (= accorde le salut ! Sauve, par grâce ! )

BÉNI SOIT CELUI QUI VIENT AU NOM DU SEIGNEUR !

BÉNI SOIT LE RÈGNE QUI VIENT ! »

Et nous nous réjouissons avec eux, car tous en sont certains : au regard des miracles qu’ils ont vus, ils sont sûrs que Jésus est le Messie attendu par Israël ; c’est pourquoi ils louent Dieu à pleine voix.

[Le prédicateur retourne encore une carte : le roi de cœur et dit :]

Voici LE ROI DE COEUR,

un roi sans garde rapprochée, sans char de guerre, sans même un cheval,

ce roi qui a l’habitude de parcourir les routes poussiéreuses de Palestine,

le voilà hissé sur un ânon -monture bien fragile !-, les pieds ballants,

 le voilà acclamé, 

mais silencieux, lui qui sait comment s’achèvera sa route.

Que pense-t-il de la joie bruyante de cette foule imaginant un roi victorieux,

celui qui chassera l’envahisseur romain, 

et manifestera ainsi une gloire éclatante ?[Le prédicateur retourne encore une autre carte : le roi de pique et dit :]

Voici le ROI DE PIQUE,

derrière le roi de coeur acclamé par la foule, se profile le roi de pique : 

outre le sceptre royal, il porte souvent une harpe et se nomme DAVID ;

derrière Jésus, c’est David, le roi, que les gens ovationnent :

BÉNI SOIT LE RÈGNE QUI VIENT !

LE RÈGNE DE DAVID NOTRE PÈRE !

La foule des pèlerins se souvient du roi David dansant devant le coffre de Dieu (l’arche d’alliance) portée en triomphe à Jérusalem, « au milieu des ovations et des sonneries de trompettes » (2 Samuel 7/12-15) 

Oui, ce Jésus est bien le nouveau David !

Mais la foule, pas un instant, ne se pose la question : « Pourquoi sur un âne ? »

Est-ce bien digne d’un roi vainqueur ? N’y a-t-il pas un malentendu ? 

La joie balaie tous les doutes ! 

[Le prédicateur retourne encore une autre carte : la reine de cœur et dit :]

Et voici la REINE DE CŒUR :  

elle se nomme JUDITH, qui signifie « la Juive »

et toujours résonnent les mots du prophète Zacharie (9/9) :

« Sois transportée d’allégresse, fille de Sion,

lance des acclamations, fille de Jérusalem !

Le cortège est passé, trèfles, carreaux, coeurs et piques ; au loin résonnent encore les « Alléluia ! ».

[Le prédicateur retourne encore une autre carte : le Joker et dit :] 

Et voici le JOKER

Mais que vient-il faire ici, dans son habit de fou ? 

Le joker, on le sait, remplace toutes les cartes. 

Qui se cache sous le joker ? 

Qui fait le fou aujourd’hui et demain montrera un autre visage ? 

Est-ce la foule, versatile, qui, dans quelques jours criera : « Crucifie-le ! » 

Ou bien l’un des Douze, qui suit Jésus

et bientôt le livrera pour trente deniers ?

Ou bien encore Pierre, qui reniera trois fois son maître, 

avant de « pleurer amèrement » (Matthieu 26/75) ?

[Le prédicateur retourne une dernière carte et dit :]

Voici le ROI DE CARREAU : il s’appelle CÉSAR. »

De loin, il observe la scène ; il tient en ses mains le sceptre du pouvoir, celui de l’occupant romain, dont va dépendre le sort du roi qui vient, CÉSAR, dont l’emblème est l’aigle romaine victorieuse, face à Jésus, monté sur un ânon…

CARTES SUR TABLE

Rien ne va plus ! Les jeux sont faits ! 

Ils sont tous là : trèfles, carreaux, piques et coeurs, branches et tapis, 

César qui n’a pas encore parlé, 

le fou avec quel projet dans la tête ? 

Judith, la fille de Jérusalem, qui acclame le roi et, demain, hurlera avec le fou, les valets, disciples aimants, mais demain tremblants de peur et cachés, 

et, descendu de son âne, bientôt portant une croix, le roi de cœur :

« IL EST LÀ, TON ROI, IL VIENT À TOI,

IL EST JUSTE ET VICTORIEUX,

PAUVRE ET MONTÉ SUR UN ÂNE, » dit Zacharie le prophète.

Mais pourquoi venir ainsi ?

Parce que Dieu est venu habiter nos fêtes, nos espérances, 

nos peurs, nos détresses et notre mort, 

non pas en messie politique, mais en roi de paix, qui ne dit rien, 

mais entre en toute simplicité chez nous, pour demeurer avec nous ; 

cela nous a déjà été annoncé, et pourtant c’est toujours « la Bonne Nouvelle » : « Il parlera pour la paix des nations 

et sa domination s’étendra d’une mer à l’autre, 

jusqu’aux extrémités de la terre » (Zacharie 9/10)

À Jérusalem, la foule crie « Hosanna dans les lieux très hauts ! », rejoignant ainsi le choeur des anges à Bethléem, qui louait Dieu et disait :

« GLOIRE À DIEU DANS LES LIEUX TRÈS HAUTS, 

ET SUR LA TERRE, PAIX PARMI LES HUMAINS 

EN QUI IL PREND PLAISIR ! (Luc 2/14)

Les anges annonçaient la naissance toute simple d’un Sauveur,

la foule salue un roi bientôt humilié, couronné d’épines et crucifié ;

la Résurrection dissipera enfin tout malentendu :

le Ressuscité est bien le roi qui vient au nom du Seigneur,

un roi de paix, « le fils du Dieu vivant ». 

AMEN !

Culte des Rameaux. Colette Dantu, le 28 mars 2021
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