Au loin, au près : tenir bon. Dominique Ranaivoson. 7 février 2021.

Vous avez dit « inédit » ? 

Nous traversons, à l’échelle mondiale, une situation nouvelle qui a surpris absolument tout le monde. « Inédit » revient sans cesse pour désigner chaque étape. Et tous ceux qui se réunissaient par obligation ou par plaisir d’être privés de liens : au travail, dans les clubs, entre amis, dans les associations, dans les églises et les groupes de partage, à l’Espace culturel. Ce virus nous prive des autres et nous voilà seuls. 

Est-ce vraiment inédit ? 

Je voudrais examiner avec vous la situation d’isolement des chrétiens des premiers temps et les stratégies adoptées par les croyants telles que nous les trouvons dans le Nouveau Testament.  

Le livre des Actes (des apôtres) nous raconte comment naissent peu à peu des communautés de chrétiens : dans les endroits où séjournent ceux qui apportent ce message. Paul, Pierre, Marc, Timothée, ils sont nombreux à circuler en Israël puis en Grèce, en Macédoine, dans la grande Turquie, en Italie. Partout, quelques personnes deviennent croyantes mais les responsables ne sont que de passage et ils se retrouvent isolés dans des sociétés païennes qui ne les suivent pas du tout dans leurs choix. Minoritaires, y compris dans leur famille, ils sont parfois tolérés, parfois persécutés, souvent moqués ou marginalisés. Comment tenir dans une telle position de fragilité ? Impossible d’avoir la chaleur d’un groupe ou le réconfort d’un responsable bienveillant et solide dans la foi. Je rappelle que le NT n’est pas écrit ; ils manquent de références et courent donc de multiples dangers. Vous ne voyez pas déjà quelques ressemblances avec aujourd’hui ? 

Des messages, de toutes sortes

Les lettres rassemblées, à la suite des évangiles et qui nous sont parvenues, sont une des réponses à cet isolement. Pierre écrit « à ceux que Dieu a choisis et qui vivent en exilés, dispersés dans les provinces (1 Pi1 / 1), Jean à « la Dame [une église] et à ses enfants que j’aime en toute vérité […] j’espère me rendre chez vous et vous parler personnellement » (2 Jean / 1 et 12), Paul aux communautés de Rome, Thessalonique, aux Galates…Et il y a Jude, Jean, Jacques qui écrivent aussi. 

Tous répondent, par ces lettres, à la frustration de ne pas se voir, ne pas pouvoir se parler, débattre de sujets brûlants, prier ensemble, prendre des nouvelles. Vous voyez que l’inédit est déjà ancien…

Autre utilité de ces lettres, affichée par tous : aider les croyants à le rester. C’est dur de vivre au milieu d’incroyants, de leurs sarcasmes, de leur vie aux normes différentes, de leurs arguments, ou simplement de leurs activités du dimanche matin qui ont définitivement rayé l’église de leur programme au bénéfice du marché, du sport, des brocantes et autres activités. Nous le savons et le vivons, nous, français, qui ne sommes qu’à peine 10 % de la population à être croyants. 

Les rédacteurs maintiennent donc le lien pour qu’ils tiennent bon : 

« Prenez garde de ne pas vous laisser égarer » dit Pierre (2P3 / 17), « écoutez avec patience ces paroles d’encouragement » dit l’auteur de la lettre aux Hébreux (13 / 22), « conduisez-vous avec sagesse envers les non chrétiens » dit Paul aux Colossiens (Col 4 / 5). 

Les expéditeurs et les destinataires sont parfois seuls, parfois avec d’autres qui appartiennent à cette grande famille ; dans ce cas la lettre rappelle les liens fraternels : 

« saluez au nom de Jésus-Christ chacun des membres de la communauté. Les frères qui sont avec moi vous adressent leur salutation » dit Paul aux Philippiens (4 / 21). 

Mais si c’est sympathique et utile de prendre des nouvelles les uns des autres, de se sentir aimé par un groupe, de rester en contact par lettre, mail, zoom, whatsap ou téléphone, nous vivons tous les limites de ces relations à distance. Quand je raccroche, tout s’efface et je suis seul. 

Mieux que le message, la visite à domicile

Les auteurs des lettres le savent et ils vont plus loin : s’ils encouragent, ils traitent aussi des principaux sujets de la foi afin que les croyants isolés puissent s’attacher eux-mêmes à Dieu en surmontant les obstacles. Ils abordent des questions propres à chaque situation et catégories, s’adressant aux serviteurs, aux femmes, aux maîtres, aux faibles, à ceux qui se disputent, à ceux qui oublient les autres, à ceux qui boivent trop, qui écoutent n’importe qui et commencent à croire des bêtises. 

Mais bien plus que de faire de la morale à distance, ils renvoient chacun à un lien direct avec le Dieu vivant : « Approchez-vous du Seigneur, la pierre vivante » 1 Pi 2 / 4

Ils comptent sur la fidélité de Dieu et sur son agent secret pour fortifier directement chacun. Paul le dit aux gens d’Ephèse, mais cela pourrait être à chacun de nous : 

Je demande au Dieu de notre Seigneur Jésus-Christ, au Père glorieux, de vous donner l’Esprit de sagesse qui vous le révèlera et vous le fera connaître.

Qu’Il ouvre vos yeux à sa lumière, afin que vous compreniez à quelle espérance il vous a appelés, quelle est la richesse et la splendeur des biens destinés à ceux qui lui appartiennent, et quelle est la puissance extraordinaire dont il dispose pour nous les croyants. Ephésiens 1 / 17-18.   

À l’heure où la sinistrose est une maladie chronique, où être réaliste doit signifier être désespéré, nous disent les intellectuels patentés, n’est-ce pas irréaliste et même provocateur ? 

Mais oui, Dieu est extrêmement provocateur, réactionnaire au sens premier du terme car il réagit face au mal qui veut perdre l’homme : il dit « oui » à la vie, il s’implique en faveur de chacun de nous en offrant de conduire nos vies. 

La richesse et la puissance qui sont ses marques ne sont pas visibles à l’œil nu et encore moins à l’œil sceptique : ils apparaissent dans le cœur de celui qui a l’humilité de se tourner vers Lui et d’accepter cet Amour immense. C’est extra-ordinaire, mais n’est-ce par la moindre des choses pour un Dieu qui n’a rien d’ordinaire ? 

Plus que jamais, ce Saint-Esprit peut rejoindre chacun, le prisonnier, le confiné, le malade, le bien portant, le marié, le solitaire, l’égoïste, le matérialiste : sa puissance est capable de casser la coque qui nous enferme, cet orgueil qui nous fait croire à notre auto-suffisance. 

La puissance de Dieu, qui s’appelle mort et résurrection de Jésus-Christ, est une vie qui se déverse en nous, une vie qui, dit Jésus, ressemble à des flots d’eau vive que rien n’arrête (pensez à la borne d’incendie ouverte), ni la vie quotidienne, ni nos distances sociales, ni la mort. 

Voilà la richesse : une vie remplie à ras bord de cette Présence victorieuse. 

Chers amis, nous sommes, comme ces croyants perdus dans leurs provinces, isolés, assaillis par la lassitude, le découragement, le sentiment d’isolement. Alors, recevons, comme eux, l’assurance que Dieu est Celui qui nous fait vivre, qui illumine le quotidien, qui vient habiter avec nous dans le secret de nos appartements et de nos pensées. 

Comptez sur Lui, appelez-le, Il ne demande que cela, être invité chez vous. C’est cela qui est inédit ! 

Terminons sur cette promesse de Jésus : 

« Écoute, je me tiens à la porte et je frappe ; si quelqu’un entend ma voix et m’ouvre la porte, j’entrerai chez lui, je prendrai un repas avec lui et lui avec moi » (Apoc 3/ 20). Amen.

Au loin, au près : tenir bon. Dominique Ranaivoson. 7 février 2021.
Retour en haut