Actes 16/6-10 Paul à Troas a une vision d’un Macédonien.

RCF Culte du dimanche 7 juin 2020

Prière avant la lecture de la Bible 

Saint-Esprit … toi qui nous fais naître à l’émotion devant la beauté de la création, toi qui nous fait vibrer à l’unisson des harmonies d’une symphonie, toi qui nous fais nous sentir vivant quand vient le sentiment amoureux, toi qui nous fais brûler devant l’injustice que nous voudrions réparer, toi qui nous imposes un respectueux silence devant le témoignage de nos aïeux, toi qui nous donnes de comprendre ce que veut dire le mot « responsabilité » devant les plus jeunes d’entre nous, toi qui git dans le creux de toutes ces pensées qui cherchent à comprendre et à aimer … toi Saint-Esprit, sois avec nous maintenant. Qu’en lisant les écritures nous puissions reconnaître la voix de celui que nous voulons aimer par dessus, la voix de celui qui nourrit nos méditations jour et nuit, la voix de celui qui nous aime et nous fait naître à l’amour. Amen

Lecture de la Bible 

Nous lisons dans le livre des Actes au chapitre 16 les versets 6 à 10 et ainsi nous plongeons dans le deuxième voyage missionnaire de Paul, voyage conduit par le Saint-Esprit. 

Paul et Silas parcoururent la Phrygie et la région galate, car L’Esprit saint les empêcha d’annoncer la parole de Dieu dans la province d’Asie, de sorte qu’ils traversèrent la Phrygie et la Galatie. Quand ils arrivèrent près de la Mysie, ils eurent l’intention d’aller en Bithynie, mais l’Esprit de Jésus ne le leur permit pas. Ils traversèrent alors la Mysie et se rendirent au port de Troas. Pendant la nuit, Paul eut une vision : il vit un Macédonien, debout, qui lui adressait cette prière : « Passe en Macédoine et viens à notre secours ! » Aussitôt après cette vision, nous avons cherché à partir pour la Macédoine, car nous étions convaincus que Dieu nous avait appelés à porter la bonne nouvelle aux habitants de cette contrée.

Prédication 

Nous sommes le premier dimanche après la fête de Pentecôte et c’est un grand jour ! Je ne sais pas si nous le mesurons, mais ce jour est d’importance car, finalement, c’est le premier jour de notre existence de chrétien. Si à Pâques nous avons été, avec Christ, relevés de nos tombeaux, de nos morts, à la Pentecôte, nous sommes remplis de son souffle, de sa grâce, de sa vie. Aussi, ce temps qui commence, nous appelle à vivre en communion avec ce souffle. La Pentecôte inaugure notre liberté chrétienne. Nous sommes maintenant équipés pour vivre notre appel, entrer dans la volonté de Dieu, vivre concrètement de sa grâce au près des hommes. Recevoir l’Esprit-Saint c’est enfin pouvoir vivre comme des enfants de Dieu. 

Le symbole est d’autant plus fort dans les temps que nous vivons. Après avoir été confinés, retenus dans nos maisons, après avoir été timidement autorisés à sortir sans « laissé passer », nous pouvons reprendre un semblant de vie normale, et pour nous, hommes et femmes de foi, nous allons bientôt pouvoir à nouveau célébrer nos cultes. Ce n’est pas que notre vie de chrétiens aura été suspendue pendant ces semaines si particulières, bien au contraire, nous avons tous, dans l’intimité de nos retraites, vécu un chemin avec le Seigneur, mais aujourd’hui, à l’heure, proche d’une vie d’église retrouvée, nous ressentons la joie de renouer avec la dynamique d’une vie missionnaire, d’une vie de service, d’une vie engendrée et animée par l’Esprit Saint. 

C’est le temps que nous vivons et pourtant je nous ai lu un texte qui nous dit l’exact contraire. Le Saint Esprit empêche Paul et Silas de poursuivre leur voyage missionnaire, Jésus ne le leur permet pas. On aura beau prendre le texte dans tous les sens, nous ne pouvons pas ne pas lire ici le récit d’une grande frustration. Ces apôtres ne font rien de mal, bien au contraire, ils sont ardents dans l’appel qu’ils ont reçu et pourtant ils sont brutalement arrêtés. Leur vie de missionnaire est suspendue à une attente qui semble vide d’objectif, d’horizon. Ils sont empêchés, il ne leur est pas permis … certes mais on ne nous dit pas pourquoi. Aucune explication, aucune justification. A l’arrêt se superpose l’incompréhension. 

Cependant, en dépit du manque d’explication, ce qui frappe dans ces événements, c’est l’absence de réaction des apôtres. Ni crainte, ni colère, ni tentative de « persuader » le Seigneur. Ils sont dans la totale acceptation. Et pour une bonne raison, qui ne nous aura pas échapper mais qu’il faut souligner, cette obligation à stopper est un commandement du Christ, une injonction de l’Esprit-Saint. L’impossibilité se fait ici Parole de Dieu. Le commandement divin est de ne pas aller en Bythinie. La désobéissance eut été de poursuivre une action là où elle n’était pas désirée. La désobéissance peut aussi se draper faussement de fidélité. Que de crimes n’a-t-on pas commis dans l’histoire de l’église au nom de Jésus-Christ. Ce n’est pas le cas ici, mais il n’empêche que le cas présent nous donne de comprendre que l’appel du Seigneur doit parfois être entendu contre les idées tout humaines que nous nous faisons de cet appel. Il nous faut entendre Dieu contre les voix que nous lui prêtons. 

L’impossibilité de poursuivre leur mission est un temps paisible pour Paul et Silas car il s’apparente à un temps de discernement, ce temps nécessaire comme le disais Sartre pour tenir un écart avec soi-même et en soi-même. Sartre qui jugeait cet écart comme indispensable pour pouvoir se projeter. J’aime cette idée qui nous invite à nous méfier de nous même pour pouvoir penser notre chemin. Sauf qu’ici, cet écart n’est pas la distance que le philosophe prend vis-à-vis de lui-même, mais l’écart que le croyant cède en lui pour accueillir la parole de Dieu. Et nous sommes là devant la définition même du discernement. Discerner c’est, se tenir à distance de soi pour entendre d’un autre, ce que je ne peux me dire à  moi-même. 

Du coup, reste à lire ce qui doit être discerné par les apôtres. Aux frontières de l’Asie et aux portes de l’Europe, à Troas, la célèbre ville d’Homère, l’apôtre Paul reçoit la vision du Macédonien, qui appelle au secours. Cet événement, cette vision, est absolument capitale dans l’histoire du christianisme. Elle donne à voir le passage que traverse le témoignage chrétien du judaïsme vers les païens les non-juifs. Si l’espérance du salut par la foi en Jésus Christ est offert à tous, ce fut un cheminement intense pour les apôtres que de vivre ce passage. Pierre n’a pas naturellement annoncé l’évangile à Corneille et si Paul a déjà, à plusieurs reprise prêché l’évangile aux païens ce fut consécutivement au refus des synagogues où il se rend toujours en premier.  La vision du macédonien, inaugure une mission radicalement orientée vers le monde grec et païen. Le macédonien, c’est celui qui est radicalement autre mais que le Seigneur aime tout autant. 

Radicalement autre ? Il faut le dire rapidement. En fait, il est semblable à tous ceux que l’apôtre a déjà évangélisés. Semblable par un trait qui caractérise tous les êtres humains, la souffrance. La vision dévoile un grec qui souffre et qui appelle à l’aide, comme tout être il a besoin d’être sauvé. Un grand philosophe français, Nicolas Grimaldi dit à propos de la pandémie que nous avons traversée que … l’humanité prend conscience de son universalité en prenant conscience de sa mortalité, de sa précarité partout dans le monde au même moment … c’est partout pareil parce que nous allons tous mourrir… Oui, durant cette pandémie toute les barrières ont volé en éclat, au même moment, ou presque, plus de statut social, plus de distinction de géographie ou d’ethnie, l’humanité se découvre en lutte avec un même destin menacé. Ce fut un événement unique dans l’histoire de l’humanité : au même moment, tous les êtres de la terre ont été violemment menacés de la même manière. 

Le macédonien ne souffrait pas du covid évidemment, mais il figure l’humanité dans son universalité, celle qui souffre du manque de salut, l’humanité vers laquelle la mission doit s’orienter radicalement. Mais ce macédonien, ne nous parle uniquement d’universalité, fut elle de l’humanité tout entière qui a besoin de salut, il nous parle aussi d’une part de cette humanité qui au regard d’une conception juive du peuple de Dieu, n’avait pas de place dans cette espérance. La vision en tant que telle, en tant que mode de communication, nous apprend que cette idée du païen qui peut faire partie du peuple de Dieu, n’était pas acquise pour Paul, juif et pharisien de formation. Il faut rien de moins qu’une révélation pour que celui qui est invisible soit découvert dans toute sa dignité. De ce point de vue, de cette prise de conscience, la vision de Paul est proche de la conversion, un changement radical d’état d’esprit, de compréhension du monde et de ceux qui l’habitent. Désormais, celui qui n’apparaissait pas sur les écrans radar devient l’objet de la prédication. Au regard de cette conversion, on comprend mieux la nécessité de l’arrêt. L’arrêt fut nécessaire pour redécouvrir celui que je ne voulais pas voir. 

En méditant la vision faite à Paul, je ne peux m’empêcher de repenser encore à ce que nous avons vécu, et je suis troublé des accointances que je repère. Durant ce temps pendant lequel nous avons été mis à l’arrêt, n’avons nous pas nous redécouvert, celles et ceux que le sociologue Denis Maillard nomme le « Back Office » de notre société, exerçant des métiers essentiels à notre infrastructure pour se nourrir se soigner, se protéger, s’instruire. La caissière, l’infirmière, l’instit … cette France qui se désespère du manque de reconnaissance … tout à coup l’arrêt brutal l’a mis en lumière, visibilité inespérée, applaudie chaque soir à 20h00 … mais qui engage à présent. Qu’en sera-t-il du monde d’après ? Je ne sais pas. Ce que je sais, c’est que l’invisible macédonien a été révélé à Paul comme celui dont il devait s’occuper absolument. Le salut passe par une attention cruciale accordée à celui qui a été oublié, et qui est redécouvert dans toute sa dignité. 

Si nous avons parlé de la souffrance comme d’un marquer universel de l’humanité, la dignité en est aux autre aussi, beaucoup plus positif. Cette dignité qui fait défaut, que des événements tout à faits hors norme révèlent … Cette dignité, nous avons la charge de la préserver. Quand la dignité du macédonien est révélée, Paul est habilité pour aller l’évangéliser. C’est en luttant pour la dignité des oubliés qui nous entourent que peut être nous sommes mystérieusement envoyés vers eux comme témoins du salut. Amen. 

Actes 16/6-10 Paul à Troas a une vision d’un Macédonien.
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